Tout est bon dans le vélo

Vélo (I) : le retour en grâce !

16 février 2023 Par Marc Suquet

 

Le moyen de transport le plus vendu en France : le vélo ! Ce sont 2,7 millions de vélos qui ont été achetés en 2021, contre 1,7 million de voitures. La star du moment, c’est le vélo électrique (+28%) : une machine vendue sur quatre est de ce type. En 2021, le marché total du cycle pèse 3,4 milliards d’euros. Un succès récent motivé par son apport en matière de santé, la simplicité du moyen de transport et l’absence de pollution. Et pourtant, le vélo, ça n’est pas franchement neuf !

Retour vers le futur

L’inventeur du vélo, ou plutôt de sa version originale qui ne porte pas encore ce nom, est le baron allemand Karl Drais von Sauerbron qui met au point une « machine à courir » en 1817, devenue plus tard la draisienne (fig.), en hommage à son inventeur. L’ancêtre de la bicyclette permet au baron de parcourir la distance de 14km en une heure seulement.

En France, les vélocipèdes à pédales apparaissent à partir de 1853, portés par l’invention de Jules Sourisseau. La machine répond au doux nom de « manivelle pédiforce ».

Fig. Draisienne en 1818 (source : Wikipedia).

La société Peugeot lance la commercialisation des premières bicyclettes à partir de 1886. Elles deviennent rapidement un produit industriel dont la commercialisation est facilitée par de nombreuses améliorations techniques. Après la première guerre mondiale, le terme vélo est adopté, comme désignant la bicyclette utilisée par les mondes ouvrier et paysan . Lors de la deuxième guerre mondiale, l’utilisation des voitures restreinte par l’envahisseur propulse celle du vélo. Les dérailleurs viennent faciliter les efforts des cyclistes dès les années 50. A partir des années 60, la voiture gagne du terrain mais le vélo revient en force pendant la crise énergétique de 1974, à l’occasion de l’embargo imposé sur le pétrole par les pays de l’OPEP. En France, 0,2% des déplacements se faisaient à bicyclette en 1976, une part modale qui atteint aujourd’hui 5%. Récemment, la vente des vélos a été dopée par le Covid 19, ce mode de transport étant considéré comme le meilleur des gestes barrières, comparé aux transports en communs bondés. Mêlant moment de grâce passé, disparition puis renaissance, la réapparition récente du vélo s’apparente à un retour vers le futur.

Le développement de la bicyclette a également favorisé l’émancipation féminine comme le souligne la militante américaine des droits civiques, Susan B. Anthony. Les moralistes puritains soutiennent que la bicyclette encouragerait le dévergondage et l’exhibitionnisme ! L’utilisation du bloomer fait accéder les femmes aux compétitions cyclistes et plus globalement au monde du sport, favorisant leur émancipation.

Un cumulard

Coté avantages, le vélo est du genre cumulard :

  • le vélo, c’est bon pour la santé : grâce à une pratique régulière, on observe une diminution moyenne de 40 % des cas de cancer du côlon, de 30 % des maladies coronariennes, de 24 % des maladies vasculaires cérébrales, de 20 % des cas de diabète de type 2 et de 15 % de cancers du sein. L’usage du vélo dans les trajets quotidiens domicile-travail, réduit de 28% la mortalité précoce. Circuler à vélo améliore l’oxygénation du cerveau, assurant une meilleure concentration. Enfin, la pratique du vélo améliore l’humeur. Si circuler à vélo peut être dangereux, les bénéfices de la pratique régulière sont 20 fois supérieurs aux risques. En effet, 95% des français risquent une détérioration de leur santé en raison d’un manque d’activités. Une pratique journalière et modeste du vélo et de la marche permettrait 15 milliards d’économie dès 2030. Augmenter le temps de marche de 10% et celui passé sur un vélo de 10 à 60 minutes par semaine se traduirait par 5 000 décès évités dès 2030.

  • le vélo, c’est bon pour l’environnement : le transport représente 31% des émissions nationales de Gaz à Effet de Serre. Les transports routiers contribuent à la quasi totalité des émissions de ce secteur (94%). La réduction du trafic est donc l’un des grands leviers proposés pour réduire les GES. Et pourtant, 60% des trajets de 1 à 3 km s’effectuent en voiture. Transférer une partie des déplacements effectués en voiture vers le vélo n’est pas du tout utopique. L’empreinte carbone d’un vélo intègre sa fabrication, son acheminement et son utilisation. Un vélo mécanique émet 100kg de CO2 contre 165kg pour un vélo électrique, un chiffre sans comparaison avec une voiture dont l’impact est compris entre 5 500 et 8 500 kg, selon le véhicule. En réduisant le fret aérien, en supprimant les emballages superflus et en augmentant l’emploi de matériaux alternatifs, certains fabricants limitent largement l’impact de la phase de fabrication. Le vélo présente d’autres avantages pour l’environnement et notamment son absence de nuisance sonore ou son encombrement limité, 10 fois inférieur à celui d’une voiture.

  • Le vélo, c’est bon pour l’économie : le coût de fonctionnement annuel d’un vélo est compris entre 300 et 500 euros quand celui de la voiture est de 6 à 10 000 euros. Puisqu’ils ne connaissent pas les problèmes de parking, les utilisateurs de vélo dynamisent la bonne santé des commerces de proximité. Venir à vélo au boulot, le fameux « vélotaf », améliore la ponctualité des salariés qui ne sont plus coincés dans les bouchons, mais également leur efficacité au travail. Coté infrastructures, le coût d’une piste cyclable est 200 fois moins cher qu’une voie urbaine dédiée aux voitures et à débit d’usagers identique. Un dispositif de stationnement vélo à arceau coûte 50 fois moins cher qu’une place de parking dédiée à la voiture. Enfin, la filière vélo représente actuellement 80 000 emplois et pourrait en créer près de 100 000 d’ici à 2050 alors que l’industrie automobile pourrait en perdre plus de 300 000. Le développement du vélo est cependant limité par une production nationale insuffisante : 661 000 machines ont été produites dans l’hexagone en 2020 mais 2,2 millions ont été importées. Plus globalement, chaque km parcouru à vélo générerait un gain social de 0,68 euros, notamment en raison des effets positifs sur la santé, tandis qu’un km parcouru en voiture entraînerait un coût de 0,37 euros pour la société.

  • Le vélo, c’est bon pour le moral: la sécrétion d’endorphines favorisée par son utilisation procure détente et plaisir. Diminution du stress, de l’anxiété, des dépressions, le vélo agit sur le moral. Mais aussi sur la convivialité : il suffit de voir les saluts échangés par les cyclistes sur les voies qui leur sont réservées, des signes qui ne sont pas sans rappeler ceux des motards. Un rite immuable qui ne coûte rien et qui fait plaisir : un échange de respect, de politesse mais aussi une façon de se reconnaître dans une même passion commune.

 

Auréolée de cette cascade d’avantages, la vente de vélos a connu un bond récent dans l’hexagone : en deux années, elle a explosé de 43% en valeur ! Les ventes de vélo (2,7 millions d’unités) ont largement doublé celle des voitures (1,7 million), en 2021. Le vélo est de très loin le moyen de transport le plus vendu en France. Cette évolution est soutenue par les prix élevés des carburants, l’aspect pratique du vélo comme son coté écologique. Initialement réapparu dans les villes, après sa disparition dans les années 60 au profit de l’automobile, le vélo conquiert de nouveaux territoires : petites villes et campagnes, prenant en compte les difficultés particulières de ces environnements. Pas facile, en effet, de faire ses courses à vélo lorsque le supermarché le plus proche se situe à plus de 10 km ! Les voies cyclables sécurisées sont moins nombreuses à la campagne qu’en ville. Et puis, garer sa voiture c’est à la campagne, le plus souvent, un jeu d’enfant. Pas besoin donc d’aller chercher bien loin pour comprendre que le vélo s’est d’abord développé en milieu urbain. Et pourtant, les territoires ruraux ont aussi des atouts : la moitié des déplacements effectués fait moins de 5km, une distance très adaptée au vélo. Le boom du vélo électrique aplanit également les côtes redoutées par le cycliste et facilite le parcours de longues distances comme l’accès à des publics divers, initialement peu aptes à cette pratique.

Bref, le vélo c’est tout bon ! Que ce soit au niveau individuel mais aussi collectif, pour l’environnement comme pour l’économie, pour le moral comme pour la santé…… tout est bon dans le vélo. La bécane est d’évidence une composante du monde de demain. Et qu’en est il à Belle île ? La situation du vélo sur notre île et son avenir seront traités dans le deuxième volet de cet article.