L’association « Du Grain au pain et pas que ! » fait son bilan

19 mars 2023 Par admin

L’association « Du Grain au pain et pas que ! » (DGAP) vient d’achever sa troisième année d’activité depuis sa création. Elle compte aujourd’hui 108 adhérents et plus de 300 sympathisants. En dépit de la brièveté de son existence, elle a déjà réalisé un parcours pour le moins consistant. Il nous paraît donc nécessaire d’effectuer un bilan d’étape des réalisations accomplies par ses bénévoles, avant d’entamer l’année 2023 et ouvrir de nouvelles perspectives. Rappelons que la mission assignée à notre association est la relance d’une filière céréalière et meunière à Belle Île-en-Mer, associée à la reconstruction d’un moulin à vent. Il existait, à la fin du XIXe siècle, une culture du blé florissante à Belle-Île, laquelle assurait la subsistance d’une population insulaire deux fois supérieure à ce qu’elle est aujourd’hui. En témoignent les 22 moulins qui en assuraient la mouture. Or la culture du blé pour l’alimentation humaine s’est quasiment interrompue lorsque la minoterie (qui avait pris le relais des moulins) a fermé ses portes en 1953. Depuis, toute la farine consommée sur l’île provient d’ailleurs et parfois même d’autres continents. Notre ambition est d’intervenir pour réduire cette dépendance céréalière et de produire une farine de qualité supérieure.

 

La culture du blé

 

DGAP a entamé en 2021 ses premiers partenariats avec trois agriculteurs qui ont semé chacun un hectare de blé selon un cahier des charges rigoureux, élaboré par nos soins.

Battage d’un des champs de l’association

Celui-ci spécifie qu’aucun intrant chimique n’est admis durant toute la culture : ni engrais de synthèse, ni désherbant (ex: glyphosate ), ni insecticide (semences non enrobées de néonicotinoïde) , ni fongicide (sauf besoin impérieux contrôlé par la chambre d’agriculture, cf cahier des charges). Nous avons acheté les 4 tonnes de blé produites (370€/T). En 2022, à nouveau trois agriculteurs ont semé, avec des résultats supérieurs : nous avons acheté leur récolte (7 tonnes de blé au prix de 400 €/t.). Une partie de ces récoltes est conservée pour les semis des années à venir. Notre objectif est bien sûr de continuer à progresser d’année en année. Par ailleurs, nous poursuivons l’activité de recherche en adaptant et sélectionnant des variétés de blés anciens et paysans pour créer des populations adaptées à Belle-Île, sous l’égide d’une ancienne chercheuse de l’Inra (40 variétés cultivées en 2022).

 

La mouture et la vente de la farine

 

Les premières moutures ont débuté en mars 2022. Grâce au savoir-faire d’un agriculteur qui possède un moulin de type Astrié, nous avons pu réaliser les différentes étapes qui jalonnent l’activité meunière : tout d’abord le nettoyage, le triage et le stockage du grain dans des conditions saines, puis le brossage et la mouture, avant la mise en sachets ou en sacs pour la commercialisation.Les ventes sur les marchés et aux professionnels sont encourageantes. À la mi décembre, nous avions vendu 1 800 kg de farine (dont 1 200 kg issus de la récolte 2021 et déjà 600kg provenant de la récolte de 2022). Outre des iliens qui soutiennent notre action en achetant cette farine belliloise tout au long de l’année, de nombreux estivants se sont montrés intéressés par ce produit local, artisanal et respectueux des sols et de l’environnement. 30% de la production ont été achetés par les transformateurs. Un boulanger propose le « Pain bellilois », deux crêperies font leurs crêpes avec notre farine, un traiteur l’utilise pour ses pâtés en croute, et même la cuisine du Centre Hospitalier de Belle Île la travaille. La demande des professionnels est croissante et se diversifie.

 

Acquisition de matériel

 

Une subvention de la région Bretagne, associée à une campagne de financement participatif et à nos fonds propres, nous a permis de procéder à l’achat de quelques matériels. Aussi bien pour la partie meunerie : des colonnes de ventilation pour la conservation du grain, un peson et une brosse à blé (avant la mouture), que pour la partie agricole, avec une herse étrille, (outil indispensable de la culture sans désherbant chimique). Cette dernière est mise à la disposition des agriculteurs qui souhaitent l’utiliser. Nous souhaitons acquérir d’autres matériels pour que les acteurs de la filière puissent développer la production de blé et de farine, sans intrant.

 

Le défrichage

 

Un double enjeu s’impose à nous. Comme il a été dit, la demande de farine en provenance des professionnels s’accentue. Nous devons donc accroître les surfaces
cultivées. Par ailleurs, il nous faut progresser dans notre capacité à disposer de terres « propres », c’est à dire n’ayant pas reçu d’intrants chimiques depuis au moins 3 ans, afin de pouvoir être distribués en bio. L’idée nous est par conséquent venue de rechercher du côté des terres en friches. Elles ne manquent pas
à Belle-Île. Aussi, nous avons répondu à un Appel à Projet de la Fondation Terre-de-liens qui vient de nous accorder une subvention pour l’aide au défrichage.
Nous comptons donc construire des partenariats tripartites (propriétaires/DGAP/agriculteurs) en vue d’établir des cycles de rotations de cultures sans intrant
durant une durée longue.

 

La Communication

 

Pour que l’île puisse réduire sa dépendance en farine vis à vis du continent, il sera nécessaire de reconstituer le tissu des professionnels locaux concernés par
cette filière (agriculteurs, meuniers, commerçants, boulangers, crêpiers…). Il importe donc que notre projet rencontre l’adhésion des bellilois, pour devenir
un « projet pour ce territoire ».

Exposition « Meunier tu dors? ».

Il nous faut par conséquent expliquer, dialoguer, aller à la rencontre de ceux qui pourraient être tentés de nous rejoindre, d’une façon ou d’une autre. Nous éditons chaque trimestre, depuis deux ans, une « Lettre Info » nommée « Du Grain à moudre ». En 2021, nous avons organisé notre première fête des Battages. Nous réitérerons en juillet 2023. L’Assemblée Générale est chaque année l’occasion de réunir les adhérents, et plus largement, afin d’attirer l’attention sur les enjeux forts de notre projet (sans oublier l’aspect festif). Une soixantaine de personnes étaient à nos côtés en mai 2022, à la Ferme du Ruisseau. Nous avons également conçu, organisé et animé cet été l’exposition: « Meunier, tu dors ? ». Durant un mois, dans 4 lieux successifs, plusieurs centaines de personnes ont pu découvrir, souvent avec émotion, des scènes de battages et de moissons à Belle Île, entre 1930 et 1970, ainsi que des vues d’anciens moulins bellilois (photos prises par Pierre Jamet et Alain Samzun). Là encore, notre projet a suscité l’enthousiasme et recueilli de nombreux encouragements. L’exposition sera prochainement montrée à l’Ehpad et au Collège Michel LOTTE. Enfin, nous sommes présents toutes les semaines depuis avril 2022 sur les marchés de Bangor et Locmaria pour distribuer la farine de Belle-Île et faire connaître les objectifs de l’association.

 

Partenariats

 

Notre projet, aussi convaincant soit-il, ne serait rien sans le soutien de nos partenaires. Nous disposons en effet de l’aide du service « Agriculture » de la Région
Bretagne pour l’acquisition de matériel (Cf. ci-dessus). Nous avons bénéficié du soutien de l’État par le biais du Plan de Relance (obtenu grâce aux moyens techniques du CPIE). Le fonds de dotation « Perspectives » nous soutient depuis le début, les communes de Le Palais et Locmaria, la Fondation Terre-de-Liens pour le défrichage, et enfin, le CPIE nous apporte un soutien logistique et technique constant. A noter que DGAP est en lien avec différentes organisations : le RAIA (Réseau Agricole des Iles Atlantiques), Triptolème et « Semences paysannes », « Cultivons la biodiversité », le GAB Anjou, ainsi que le GEDAR d’Oléron à qui nous avons remis des semences issues de nos recherches à Parlevan.

 

Perspectives

 

Il est un enjeu majeur qui se présente devant nous pour les prochains mois et les prochaines années : apprendre à maîtriser toutes les étapes de notre projet pour tendre, à terme, vers une activité viable économiquement, c’est-à-dire :

• accroître la culture du blé pour obtenir des quantités de grains plus importantes,
• développer la capacité de stockage, de nettoyage du grain, de mouture (il faudra rendre le travail de meunerie plus automatisé pour en réduire la pénibilité et accroître le rendement),

• structurer la commercialisation et la distribution auprès de particuliers et des transformateurs qui fonctionne aujourd’hui uniquement grâce au bénévolat d’un petit nombre.

 

Nous n’avons qu’un seul but : démontrer la viabilité économique et sociale du projet afin qu’il se

développe de façon autonome dans les prochaines années.