Centrale de Civaux (Wikipedia)

Ni éoliennes off shore ni nucléaire ? Cherchez la contradiction….

27 avril 2024 Par Jean-Luc Pasquinet

Nous nous opposons à Belle-île en mer à un parc industriel de 62 éoliennes qui devrait être construit à 19 km de la pointe des Poulains, à l’endroit où le soleil se couche.

Pourtant, nous soutenons l’arrêt du nucléaire quitte à s’appuyer sur tout ce qu’on trouvera au moment de la décision : le fossile, les éoliennes off shore etc., à l’instar de ce qu’a fait l’Allemagne. A ce propos, nous remarquons que le Réseau Sortir Du Nucléaire (RSDN), qui s’est longtemps opposé aux tenants de l’arrêt immédiat qui défendaient ce recours au charbon pour arrêter le nucléaire, n’a pas élevé la voix pour regretter l’arrêt du nucléaire en Allemagne… Ce qui est normal car contrairement à ce qu’avançait le RSDN il n’existe pas d’exemple d’arrêt du nucléaire dans le cadre de la société industrielle autrement qu’en recourant au fossile, sauf dans les pays ayant du renouvelable pilotable comme l’hydroélectricité en abondance, mais dans ce cas ils n’ont pas de nucléaire. Notons aussi que la destruction de la biosphère ce n’est pas que le climat, que la consommation finale d’énergie nucléaire étant marginale (2%) qu’on utilise du charbon pour l’arrêter ne changera rien à la donne climatique et enfin que la cause de la destruction du climat est culturelle et ne réside pas dans une technique particulière.

Nous sommes donc contents que l’Allemagne soit « sortie » de la production électronucléaire (sa situation est maintenant claire : elle se trouve face aux impasses de la société industrielle et croissanciste et s’est débarrassée d’une catastrophe). Pourtant, en même temps nous nous opposons à la construction du parc industriel d’éoliennes à Belle île en mer.
Contradiction ? Avec l’accélération de la crise climatique, on peut se demander si les antinucléaires ne sont pas aujourd’hui condamnés à être dans une grande contradiction.

Éoliennes en mer (Wikipedia)

JB Fressoz avance qu’il ne peut pas y avoir de transition énergétique dans le cadre croissanciste. On n’a jamais consommé autant de bois (matière-énergie), charbon, gaz, pétrole qu’aujourd’hui et il n’y a pas eu substitution de l’un par l’autre. Pourtant en Allemagne il y a bien eu substitution du nucléaire par le couple fossile-renouvelable sans abandon de la société de la croissance.
En tant qu’antinucléaire, nous pouvons donc continuer de soutenir l’arrêt immédiat et le couple fossile-renouvelable comme moyen d’arrêter le nucléaire sans remettre en cause la société productiviste comme en Allemagne.
Mais dans le même temps, nous ne nous empêchons pas de soutenir un autre scénario contradictoire.
Un scénario de rupture culturelle et « décroissant » sans nucléaire, sans éoliennes industrielles, peu de gaz mais sous entendant une réduction drastique de la production d’électricité d’environ 60 à 80 %, pour revenir au niveau de ce que nos anciens consommaient dans les années 1950 ou 1960….Ce scénario revenant à s’opposer au couple renouvelable-nucléaire mis en place par la France.

Car c’est bien de cela dont il s’agit en France, de développer des éoliennes off-shore en complément du nucléaire pas pour le remplacer, mais pour augmenter la production d’électricité après avoir fermé quasiment toutes les centrales au charbon et grâce à l’augmentation considérable du recours aux centrales au gaz (+1385 % en 32 ans). Une analyse plus fine nous amènerait à constater un recul du nucléaire ces dernières années et une hausse principalement du gaz et de l’éolien, mais cette baisse semble plus due aux problèmes techniques apparus dans le parc nucléaire qu’à une volonté de le remplacer, le gouvernement tente même une relance avec le projet de construire 14 EPR.

Les éoliennes industrielles, comme le nucléaire, nécessitent une société industrielle pour les produire. Elles exigent beaucoup de matière (du béton pour les dalles soutenant les éoliennes) de l’acier, etc…et beaucoup d’énergie. Elles ne sont pas si « écologiques » que cela, un peu comme les véhicules électriques (dont la moitié du poids est constitué par la batterie, exigeant un recours à des terres rares, etc…) par rapport aux véhicules thermiques. Or, les décroissants sont contre la société industrielle qui nous a conduit dans la situation catastrophique pour le vivant que nous vivons, et font un éloge de l’artisanat, de l’autonomie alimentaire et de l’autonomie tout court (démocratie directe)… On comprend leur réticence à soutenir les éoliennes industrielles, mais ils sont aussi contre le nucléaire considéré comme une catastrophe majeure et si un jour en France on pouvait leur proposer un scénario « à l’allemande » d’un arrêt avec le recours à tout ce qu’on trouvera au moment de la décision gageons qu’ils ne seraient pas contre non plus….

JL Pasquinet

ALD-BI