La démesure détruit tout ! Le couple Renouvelable-Nucléaire en question

23 juillet 2023 Par Jean-Luc Pasquinet

Le 26 juin dernier, salle Arletty à Le Palais, les représentants de l’État (préfet du Morbihan, Vice-Président de la Région Bretagne…) sont venus nous informer sur l’avancement du projet d’installer 60 éoliennes flottantes de 260 à 300 m de haut entre Groix et Belle-Île en Mer.

Nous y sommes allés. Aucun débat, des arguments uniquement technicistes, souvent de l’ignorance, une grande incompétence, apparemment on ne connaît pas les lois de la thermodynamique chez les fonctionnaires de l’État, on ignore qu’une croissance infinie dans une Terre limitée est impossible et en tout cas pas souhaitable. Aucune réponse politique, malgré la présence du vice-président de la région !

Ce projet d’éoliennes ne doit pas être vu comme uniquement l’installation d’« éoliennes au large » à Belle-île ce qui est déjà un scandale en soi, mais remis dans un contexte de la mise en place du couple Renouvelable-Nucléaire (Rnr-Nucléaire) en France. Ce qui veut dire sortir du « Pas de ça chez moi !» et adopter une opposition globale à ce couple Rnr-Nucléaire.

L’idée de départ serait de remplacer la production électrique d’origine fossile (charbon-gaz) par le couple Rnr-Nucléaire, afin de « réduire les émissions de gaz à effet de serre ».

Or, le couple Rnr-Nucléaire qui voit le jour en France va émettre autant sinon plus de gaz à effet de serre (et en tout cas plus de pollutions) que le couple Rnr-fossile en Allemagne. Contrairement aux idées reçues les émissions de CO2 n’ont pas augmenté en Allemagne. Même si nous ne faisons pas l’apologie de l’Allemagne productiviste, au moins les Allemands se sont débarrassés de la catastrophe qu’est le nucléaire. Les Allemands se retrouvent maintenant devant les apories de la société de croissance, la remise en cause de la foi qu’une croissance infinie dans une terre limitée serait possible…Ce qui est plus clair que le contexte flou et confusionniste généré autour du couple Rnr-Nucléaire régnant en France.

Centrale du Tricastin (Wikipedia)

Tout d’abord le nucléaire ne permettra pas de réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Il est le deuxième consommateur d’eau en France et un gros émetteur de vapeur d’eau qui est le premier gaz à effet de serre, de plus il est le moyen le moins efficace pour produire de l’électricité car il relâche deux/tiers de la chaleur qu’il émet. Résultat, en 2022, les eaux du Rhône ont été réchauffées de 1,8 C°….il accroît la dépendance de la France obligée d’importer via des camions et des cargos forts émetteurs de CO2, tout son uranium de Russie, d’Ouzbékistan, du Kazakhstan, du Canada, d’Australie, du Niger… Et n’oublions pas les déchets nucléaires et surtout l’accident majeur possible en permanence avec ses victimes et son cortège de territoires inhabitables pour des siècles !

Enfin, le méthane (pire que le CO2) n’est émis par aucune centrale électrique, donc même si on remplace les centrales au gaz -dans un cadre croissanciste- on va augmenter sa production ; car d’après les Autorités, l’enjeu en France serait de passer à + 35 ou + 40 % (selon les sources) de production d’électricité d’ici 2035 (alors qu’en 2021 on n’a consommé que 471 TWh et qu’elle stagne depuis des années c’est donc un projet d’une société tout électrique qu’on nous prépare !) soit 650 Twh ! Logiquement les émetteurs de méthane devraient être plus sollicités (élevage mais aussi et surtout l’importation de gaz de schiste provenant des États-Unis, l’une des sources fossiles les plus polluantes) et l’utilisation de celui-ci devrait augmenter pour pallier l’intermittence des ENR (cf. : la centrale de Landivisiau).

C’est un monde tout électrique et tout numérique qu’on nous impose, avec la 5G, les véhicules électriques plus polluantes que les thermiques, la numérisation du monde. Celle-ci est au cœur d’une catastrophe écologique : « la quantité d’énergie nécessaire pour extraire, broyer, traiter et raffiner les métaux représenterait 8 à 10 % de l’énergie totale consommée dans le monde, faisant de l’industrie minière un acteur majeur du réchauffement climatique ». Et n’oublions pas les Data Centers gros consommateurs d’électricité dans le monde (sans doute 10 %) !

Si l’on devait porter la part de l’électricité dans la consommation finale d’énergie en France de 23 % comme c’est le cas actuellement à 40 % par exemple, cela signifierait une croissance exponentielle de toutes les matières et équipements nécessaires comme le cuivre, le béton, l’acier, etc, bref encore plus de gaz à effet de serre…..de pollutions, encore moins de ressources rares pour nos descendants…

Au niveau mondial, par exemple le cuivre est encore un métal relativement abondant mais dont les gisements exploités en majorité au Chili ont une concentration moyenne déclinante (0,8 % aujourd’hui contre 2 % au début du siècle dernier). Autre exemple, selon l’Agence Internationale de l’Énergie : le lithium utilisé dans les batteries provient majoritairement du cône andin. Il faudrait en multiplier l’extraction annuelle par 42 d’ici 2040 (!) afin de tenir les engagements de réduction des gaz à effet de serre, selon le GIEC, dont les hypothèses ne remettent pas en cause le modèle de croissance infinie dans un monde fini… Ce ne sont que deux exemples d’extractivisme forcené, sans oublier les enjeux géostratégiques qui en découlent avec le cortège de guerres pour les ressources dont la guerre en Ukraine n’est qu’un avant-goût, et celui des destructions irréversibles de l’environnement. Certes nous sommes loin de Belle-île, mais le « On ne veut pas de ça chez nous ! » doit aussi s’accompagner du « On ne veut pas de ça ailleurs ! »

Passons aux éoliennes « au large » (« off shore »), outre l’enlaidissement du monde avec le massacre du littoral breton, de la biodiversité marine, citons une

Eoliennes en mer (Wikipedia)

fois encore l’extractivisme, la dépendance aux fossiles remplacée par une dépendance majeure aux matériaux et métaux critiques chinois liés spécifiquement à la technologie de l’éolien flottant, la démesure, et comme pour le nucléaire le fait que le peuple n’a pas été consulté pour savoir s’il en voulait ou pas, jamais on ne nous a demandé pourquoi produire de l’électricité ni toujours plus.

Quant à la question posée sur les risques pour la navigation, en cas de tempête hivernale comme celle qui a entraîné la catastrophe de l’Erika, nous eûmes droit à une seule réponse : « grâce à la technologie il n’y a aucun aléa à craindre, on saura guider les bateaux, tankers, ou cargos transportant des matières dangereuses ». Les bellilois qui ont de la mémoire apprécieront…

Quand on examine les acteurs pressentis, on trouve RWE gros émetteur de CO2 (car il exploite des centrales fossiles alimentées au lignite), Total et son pétrole…ils viennent se refaire une virginité en achetant des quotas d’émission de gaz à effet de serre, mais du renouvelable ou du climat ou de la biosphère ils s’en moquent Total-Ement….

Pour toutes ces raisons refusons le couple Rnr-Nucléaire et à sa déclinaison en éoliennes flottantes au large de Belle-île ! Condamnons aussi ces pseudo-débats où toutes les décisions ont déjà été prises par les lobbies industriels et les fonctionnaires de l’État !

JL Pasquinet, AM Moulinier, Y Moulinier