Gloups… 60 éoliennes devant mes fenêtres !
13 novembre 2020Vingt puis quarante éoliennes de 260m de hauteur chacune (l’équivalent d’un immeuble de 90 étages). Une surface occupée en mer de 150km2 (équivalente à celle du Liechtenstein). Des machines construites à une distance minimale de 16km à l’ouest de Belle île… Tout ça ne laisse pas indifférent ! C ‘est ce que propose le projet éoliennes sud Bretagne et sur lequel la Commission Particulière du Débat Public (site) a animé un échange, le 6 octobre dernier à la salle Arletty, à Palais. Pour que le projet éoliennes sud Bretagne soit véritablement bénéfique à la population, quelques-unes des questions dont on discute aujourd’hui sur notre « caillou » doivent être débattues.
Impact paysager depuis Belle-Ile
L’interrogation reprise le plus fréquemment concerne l’impact paysager de ce projet. Difficile de contester que des machines qui dépassent de 50m la tour Montparnasse et tutoient la Tour Eiffel soient sans impact… L’éolienne flottante expérimentale Floatgen, entre Le Croisic (article) et Belle Ile est un peu visible (avec une hauteur de 4 fois moindre.)
L’échelle équivalente d’une éolienne de 260m de haut à 16 km de distance – sans tenir compte de la courbure de la terre (un objet de 250m de haut disparaît sous l’horizon à env. 50 km), de la réfraction ou de la visibilité météo – est celle d’un livre de 26cm de haut, posé à 16 mètres de distance.
La réaction d’une habitante de Kervilahouen, lors du débat belle-ilois, effondrée de constater après avoir découvert grâce aux photomontages, les effets paysagers du champ, est révélatrice de ce point de vue. C’est aussi cet argumentaire qui prévaut dans la pétition dont l’objectif est de préserver l’identité environnementale de Belle île (site).
La mer n’est plus un espace vierge, hélas…
Loin de le minimiser, on soulignera cependant que la mer n’est nullement l’espace vierge que l’on pourrait imaginer, puisque l’homme y a hélas déversé près de 150 millions de tonnes de plastique, que l’eau de mer s’est acidifiée et que sa température a augmenté de 1°C depuis le début de l’ère industrielle. Les éoliennes sont donc la partie émergée de l’iceberg. Si leur impact visuel ne peut être nié, il faut également prendre en compte quelques éléments tels que l’esthétique qui peut être une affaire de temps… On se souvient du rejet porté à la Tour Eiffel lors de sa construction,… On peut aussi penser que le prix des biens immobiliers n’est pas affecté par la présence d’éoliennes, si le bien n’est pas juste devant les machines. L’augmentation de la hauteur des éoliennes de 140 à 260m, si elle les a rendus plus visibles, a permis d’accroître leur puissance de 7,5 à 12MW. Si des éoliennes de plus petite taille avaient été choisies, il aurait fallu en construire un plus grand nombre pour obtenir une même puissance totale. Pour clore ce point paysager, des recherches de couleur pourraient être menées afin de minimiser la vision des éoliennes.
La notion de « bien commun » est-elle partagée ?
L’entreprise lauréate sera sélectionnée en 2021, à l’issue d’un appel d’offre. Un projet porté par le bien commun : produire de l’électricité en minimisant les pollutions induites se devra donc de suivre fidèlement cette philosophie altruiste. Comme décrit dans le code des marchés publics, il est donc proposé d’inclure dans l’appel d’offre une clause excluant les entreprises au comportement douteux. Cela concerne notamment le respect de l’environnement, comme l’interdiction de toutes tentatives d’évasion fiscale. A ce titre, les îliens se souviennent fort bien de l’année 1999 et du legs par la société Total de 30 000 tonnes de fioul lourd sur les côtes de Belle île. Ces exigences devront concerner les entreprises construisant le parc comme les sociétés de soutien, banques et assurances. Elles ne devront pas occulter l’extraction des métaux rares, délocalisée vers la Chine et qui s’effectue dans des conditions environnementales et humaines le plus souvent lamentables. D’autre part, l’entreprise sélectionnée devrait bénéficier d’une subvention considérable liée au prix de vente de l’électricité produite, équivalent au triple du prix du marché. Cette subvention est estimée à un total de 4,5 milliards d’euros pour les deux tranches du parc éolien, soit une somme de 75 euros acquittée par les impôts de chaque français. Pour mieux comprendre le niveau d’une telle somme, il suffit de rappeler que le montant mobilisé par le gouvernement en faveur de la culture et pour faire face à la Covid 19 est de 5 milliards d’euros…
Le chantier : quel impact ?
Enfin, tout devra être mis en œuvre afin de minimiser l’impact du chantier sur la faune marine. La mise en place de rideaux de bulles isolant le chantier, de pratiques de « soft start » permettant un démarrage très progressif des nuisances, la diminution des lumières attirant les oiseaux ou le choix de l’implantation des mâts hors des voies de migration de ces espèces devraient contribuer au respect de la faune. A titre d’exemple, l’effet du stress sur la reproduction des poissons est bien connu, affectant la période et le comportement de reproduction comme la qualité de la descendance. L’efficacité de ces mesures devra être constaté par des scientifiques indépendants et conservant leur liberté de publication des résultats.
Question de bon sens !
En ouvrant ses fenêtres, l’habitant de la côte nord de Belle île aura de quoi être surpris à la vision de ces gigantesques mâts. Et pourtant, le bon sens nous dit qu’il est temps. Le 5e rapport du GIEC montre que les trois dernières décennies ont été les plus chaudes depuis 1850, que la concentration en gaz à effet de serre est sans précédent depuis 800 000 ans et que des conséquences dramatiques pour les humains, animaux et environnement deviennent l’évidence. Ne rien faire c’est accepter des œillères court-termistes et égoïstes. Il est donc temps de se tourner vers des sources d’énergie qui ne favorisent pas l’épaisseur de la serre que nous avons patiemment et égoïstement tricotée autour de la terre. Si la production d’électricité en mer ne représentera que 3,8% du total produit nationalement en 2028, on observera que ce pourcentage est voisin de 0 en 2019. Quant à l’éolien terrestre, une technique sœur, il passera de 6 à 12% durant la même période. Les techniques utilisées en mer pourront être optimisées, suggérant la possibilité pour l’éolien marin de devenir une source incontournable de production électrique. Cette production sera soutenue par la force du vent rencontré au large et l’éloignement des lieux d’habitation. Au final, la construction d’éoliennes entre Groix et Belle île est plutôt synonyme d’un mal pour un bien, un projet qui doit être étroitement bordé par les gardes fous développés ci dessus, au risque de dérailler de l’objectif affiché.
Cette exigence sera la nôtre.
Un très grand merci à toutes celles et tous ceux qui ont signé la pétition : « Préserver l’identité environnementale de Belle-Île en Mer » qui a recueillie plus de 13.000 signatures, rien que pour s’opposer au projet d’implantation de 60 éoliennes de 260 m de hauteur au large de Belle-Île.
Notre détermination reste intacte et se conforte avec la solidarité d’autres associations environnementales sur Belle-Île, Groix, Quiberon…
Soutenir la transition énergétique et le développement des énergies marines renouvelables, d’accord, mais à n’importe quel prix et pas à n’importe quelles conditions. Nous considérons que le concept de l’éolien flottant, bien que prometteur, n’est malheureusement pas aujourd’hui suffisamment mature pour la réalisation d’un tel projet. Nous sommes opposés à l’industrialisation de la mer.
Nous aimons tous Belle-Île : insulaires, résidents secondaires et vacanciers, pour ne pas la voir se dénaturer. Belle-Île doit demeurer « La Bien-Nommée », aussi, pour les générations futures. Belle-Île est un joyau qui doit rester dans son écrin, mais ne pas briller de tous ses éclats, entre des mains avides de profits, qui la dénatureront par des impacts irréversibles, tels que: les coûts du projet & du soutien, l’impact sur les pêcheurs par la réduction drastique des zones de pêche et la création de zones accidentogènes pour la navigation maritime, l’impact sur l’environnement paysager principalement & les impacts des anodes sacrificielles dans le milieu marin, l’impact sur la faune et flore marines avec les oiseaux marins, l’impact sanitaire par les infrasons, l’impact sur le tourisme et l’économie locale insulaire…
C’est 60 « petites » Tours Eiffel… plus exactement, 5 fois la hauteur du Phare de Goulphar (ou Grand-Phare de Kervilahouen) représenteront un horizon de 60 immeubles de 85 étages que nous ne voulons pas !
Merci de continuer à nous soutenir et de contribuer par vos adhésions à l’association : « Préserver l’identité environnementale de Belle-Île en Mer » pour la sauvegarde de notre bien commun.
E-mail: pebiem56@gmail.com
Eric GUILLOT, responsable de l’association.
13.780 signatures…